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Indispensables invertébrés.

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En mai, la diversité des invertébrés est plus qu’indispensable à toute vie. En effet quasiment toute espèce animale est alors insectivore. Le confinement faute de mieux a permis une (re)découverte de « sa nature de proximité », de son jardin aux prairies, champs ou marais au plus près de chez soi pour ceux qui ont la chance cette fois de vivre en milieu rural. La constatation commune est unanime, on ne remarque quasiment pas d’insectes. Exit papillons diurnes, hormis quelques piérides, libellules ou bourdons. Les conditions atmosphériques ne sont pas si mauvaises pourtant.  Si dans des milieux dégradés et simplifiés à l’extrême cela paraît compréhensible, il est plus difficile de le comprendre dans des habitats encore riches comme les zones de bocage en prairies ou les marais.  Du jeune renard en cours d’émancipation en passant par tous les passereaux, les canetons ou les perdreaux, « on est tous insectivore » dans la chaîne alimentaire printanière ! Car le monde des insectes est caractérisé normalement par son abondance, une véritable manne facile à percevoir et à capturer. Même les passereaux granivores invétérés, comme les moineaux, bruants ou chardonnerets doivent nourrir leur progéniture avec des insectes pour leur apporter les protéines indispensables à leur croissance. Un grand insectivore est aussi le Lézard vivipare qui profite des jours longs pour chercher le maximum de chaleur sur une dune ou une souche en plein soleil. C’est le plus commun des lézards dans la Somme même s’il reste localisé. Le Lézard vert beaucoup plus gros (jusqu’à 35 cm) est lui à priori absent de notre département et localisé dans le sud de l’Aisne et de l’Oise. Il est superbe en cette période, les mâles très vert ont une gorge très beau bleu. Les femelles sont plus vert brunâtre avec deux à quatre lignes piquetées de noir sur le dessus. En cette fin de printemps les mâles peuvent combattre violemment s’infligeant des morsures et la perte de la queue. La queue des lézards et de l’orvet casse en effet facilement (phénomène d’autotomie), stratagème pour échapper à un prédateur. Etrangement, l’extrémité perdue s’agite fortement en mouvements réflexes durant quelques minutes attirant l’attention du prédateur.. Une queue de remplacement plus courte et plus sombre mais dépourvue d’écailles. Un véritable sphincter empêche toute perte de sang lors de cette amputation volontaire ; Une adaptation qui bien entendu ne laisse pas indifférent notre corps médical pour la reconstitution d’organes.

Le manque d’insectes va aussi défavoriser la Bondrée apivore qui vient juste de revenir d’Afrique tropicale souvent en couple déjà bien formé. Ce rapace à l’allure de buse se nourrit en abondance de larves, d’oeufs et de nymphes d’hyménoptères (guêpes, bourdons…). Habituellement le couple construit vite son aire et pond rapidement pour être en adéquation avec la ressource alimentaire. Cette année les parades sont bien discrètes tout comme les transports de branches vertes pour le nid. Les adultes doivent passer la majorité de leur temps à chasser au sol à pied pour repérer les colonies d’hyménoptères peu active avec les températures basses et le vent. Ils se mettent à creuser activement avec une patte ou le bec en rejetant la terre en arrière. L’oiseau est tellement concentré sur sa tâche qu’on peut alors l’approcher de très près. Faute de mieux la bondrée apivore se rabat sur les coléoptères, les sauterelles, lombrics voire plus rarement sur des rongeurs ou de jeunes oiseaux peu volants. Son type spécialisé de nourriture lui oblige à avoir un territoire de prospection de 3 à 4 kilomètres autour de l’aire construite dans un grand arbre. 270 à 300 couples nichent en Picardie surtout dans l’Aisne pour une cinquantaine dans la Somme.

Dans nos marais du et des basses vallées fluviales, les couples d’Echasses blanches s’installent. Ce superbe limicole aux longues et fines pattes roses étaient bien rares il y a trente ans dans notre région. L’espèce niche maintenant régulièrement dans la Somme depuis 1989 et dans l’Oise et l’Aisne dix ans plus tard. Les sécheresses à répétition en Europe du sud et en Afrique du Nord ont fait remonté ces oiseaux vers le nord de l’Europe. Nos bas marais leur sont favorables à condition juste que les printemps soient doux pour permettre une forte émergence d’insectes aquatiques à la surface de la pellicule d’eau, qui sont alors capturés grâce au long bec pointu comme une aiguille. En cas d’absence d’invertébrés, les femelles ne peuvent nicher, ne déposant parfois même pas de ponte. A l’inverse un assèchement prématuré du bas marais peut lui être aussi défavorable comme en 2019. Complexe la vie de l’échasse qui nous quittera dès août pour hiverner en Afrique de l’Ouest. Le Coucou gris va s’attendre à une abondance de chenilles tout comme le Loriot. Le Gobemouche gris, un des derniers migrateurs arrivé, ne va pratiquement capturer que des insectes volants, comme le Faucon hobereau…Des espèces bien spécialisées qui finalement ont peu de marges de manœuvre à l’inverse d’espèces plus généralistes dans leur habitat ou leur « menu » qui s’adaptent mieux, du moins pour l’instant. La nature sait s’ adapter   aux situations de crise mais pas à celles qui s’inscrivent dans la continuité.   

P Caruette 5 mai 2020 Crédit photo V Caron