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Juin un mois totalement dédié à la nidification.

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A la héronnière de la Baie de Somme dans la forêt de pins laricio, les grands échassiers ont tous des poussins. Plus de 70 couples de Spatules blanches y nichent en faisant une des grandes colonies françaises pour cette espèce encore rare dans notre pays (1200 couples), et le seul visible du public. Quelques couples d’Aigrettes garzettes continuent encore de construire leur nid alors que des jeunes Hérons cendrées et les premiers « spatulons » prennent déjà leur envol. Les jeunes spatules sont faciles à reconnaître avec leur court, grisâtre et leur air un peu « benêt ». Et surtout elles n’arrêtent pas de réclamer aux adultes en hochant la tête tout en émettant d’étranges gazouillis pour un grand échassier quasi muet adulte. Et ces jeunes sont de véritables « pots de colle », qui empêchent leurs parents de dormir sur une patte en bord de berge ou les suivent dès qu’ils décollent pour quémander sans cesse de la nourriture. A l’inverse des autres échassiers, les spatules donnent la becquée à leurs poussins qui vont chercher dans la poche du bec du parent les aliments prédigérés. Les rejetons voraces vont même harceler d’autres adultes au hasard…qui pacifiques n’ont que comme seule fin de vite quitter les lieux…

En ce début de mois les poussins de Cigogne blanche dans leur nid commencent à se tenir bien debout sur leurs pattes. La croissance va être maintenant rapide et à la fin du mois aura lieu les envols à l’âge de 9 ou 10 semaines. De nombreuses Grandes aigrettes viennent pêcher sur le parc, mais malgré la présence d’oiseaux en plumage nuptial, elles ne nichent toujours pas sur le site. Deux sites au moins de nidification de ce grand héron blanc sont connus sur notre littoral en basse vallée de l’Authie et en basse vallée de la Somme.

Avocettes, Mouettes rieuses et Mélanocéphales ont aussi des poussins sur les îlots des lagunes saumâtres. Si pour les limicoles, ces poussins sont nidifuges et se nourrissent seuls sous la protection des parents, les poussins de mouettes au duvet camouflage sont nourris par leurs deux parents et restent bien dans le nid du moins les premiers jours. Les petites Mouettes rieuses sont roussâtres moucheté de noir (tenue léopard) alors que les poussins de Mélanocéphales sont gris cendrés comme les jeunes goélands. Peu de mortalité sur la nouvelle génération cette année du fait que la nourriture est probablement abondante montrant le faible taux de stress des adultes. En effet en période de pénurie, les poussins meurent de faim mais aussi et surtout sont tués par les adultes voisins qui ont aussi des petits ou des adultes qui ont perdu les leurs, la pénurie créant stress et violence. 

Depuis le 18 mai, dans les roselières en extension sur le parc, résonnent les symphonies plus ou moins harmonieuses des passereaux paludicoles : Rousserolles effarvattes ou verderolles, Bruant des roseaux ou Phragmites des joncs sont en concert.  Au pied du poste 4, un chant puissant et grinçant laisse à penser à une rainette plus mélodieuse ou une Effarvatte bien enrouée. Un superbe mâle de Rousserolle turdoïde chante bien en évidence au sommet d »un roseau. C’est la plus grosse des rousserolles européennes (plus de 30 grammes et une vingtaine de centimètres soit le double de sa cousine effarvatte) et son bec fort est caractéristique. Elle recherche normalement les vieilles phragmitaies très inondées avec des roseaux à fort diamètre (supérieur à 6mm). Cette espèce est en net déclin en France avec 2000 à 3000 couples nicheurs en 2012 ce qui est bien peu pour un passereau. Ce ne fut pas toujours le cas. Ainsi en Picardie la population était estimée à 250 couples en 1987, chutant entre 40 et 60 en 1995, puis plus que de rares chanteurs isolés dans l’Aisne ou l’Oise dans les années 2000. Sur le parc cette espèce n’a été notée que deux fois en 47 ans : un chanteur le 17 mai 1985 et un oiseau bagué le 31 août 2015 en migration postnuptiale. C’est une grande migratrice qui nous quitte dès fin août pour gagner le sud du Sahel jusqu’en Afrique du Sud. Ce chanteur peu discret va être entendu toute la fin du mois de mai, même de nuit… ! Son attitude à la vigilance exacerbée à la vision du moindre passereau dans le phragmite montre que on a hélas affaire pour l’instant à un mâle encore célibataire.

P Caruette 3 juin 2020 crédit photo S Bouilland