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Le héron garde-boeufs

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Cet oiseau africain a colonisé l’Europe naturellement, d’abord l’Espagne puis la Camargue en 1957, mais la première reproduction réussie n’eut lieu qu’en 1969. Le début des années 1980 voit les premiers nicheurs s’installer au lac de Grand Lieu en Loire-Atlantique. En 1984, il arrive en Dombes mais l’hiver rigoureux de cette année fait une hécatombe chez ce méditerranéen qui ne se nourrit jamais en estuaire. La forte sécheresse de 1992 en Espagne pousse de nouveau des oiseaux jusqu’en Picardie. Les premiers y sont observés au printemps sur le Parc du Marquenterre sur le dos… d’un cheval Henson ! Ces petits hérons blancs ont en effet l’habitude de suivre les troupeaux d’animaux domestiques ou sauvages pour capturer entre leurs pattes les proies potentiellement dérangées (insectes, batraciens, lézards ou micromammifères). Par contre, ils ne déparasitent pas le dos des herbivores qui n’est pour eux qu’un perchoir ambulant, un point de vue bien pratique pour se reposer tout en surveillant de haut les environs.

Entre-temps les oiseaux avaient traversé l’Atlantique et colonisé les Antilles et le continent sud-américain. De 1994 à 2007, l’effectif national passe de 2 300 couples à près de 15 000 couples ! Malgré des hivers rigoureux, le héron garde-bœufs s’accroche à son bastion picard, une des colonies les plus nordiques au monde, faisant même des excursions reproductrices éphémères en Angleterre et en Belgique. Si les premières années froides, les oiseaux mourraient de faim sur place, rapidement ils ont su filer plein ouest vers la Grande-Bretagne et l’Irlande pour échapper aux frimas. L’hiver dernier fut doux, la population a été redynamisée. Un recensement hivernal récent au dortoir sur l’ensemble du littoral picard permet de chiffrer à au moins 300 le nombre d’individus présents, pour une bonne cinquantaine de couples nicheurs répartis en 3 grandes colonies. Il faut dire que c’est le seul héron au monde à être capable de faire deux couvées régulières par an notamment dans les colonies pionnières où le potentiel d’expansion est le plus fort. Ainsi à la mi-août il restait encore au moins 4 couples de hérons garde-bœufs qui nourrissaient des poussins dans la héronnière du Parc du Marquenterre. Néanmoins, cet oiseau reste intimement lié aux prairies et au bétail, milieu certes humanisé, mais qui est de très loin le plus menacé en France du fait du déclin de la pratique de l’élevage extensif de qualité, garant de diversité écologique mais aussi humaine et sociétale pour notre monde rural. Comme quoi économie durable et écologie sont aussi, souvent par bon sens, très loin d’être incompatibles.      

 

Ph. Carruette 01/09/2020 Crédit photo S. Bouilland