S’il y a un compagnon fidèle autour de nous en cette période de confinement c’est bien le Moineau domestique. Que l’on soit en ville ou en campagne, dans un jardin ou sur une place de ville, le piaf, le pierrot est normalement au rendez-vous. En avril il est loin d’être discret, particulièrement affairé et hyperactif ! Les mâles s’activent aux abords des sites de reproduction. Les couples sont plutôt du genre fidèle d’une année à l’autre bien que certains mâles soient souvent polygames profitant de la moindre accalmie. Cela provoque invariablement des poursuites sans fin, des regroupements dans un buisson aussi brefs que bruyants, digne d’un bon « crêpage de plumes » (les moineaux n’ont pas encore de chignon !) entre les couples du quartier. Une accalmie revient après à bain de poussières collectif dans un gros pot à fleurs abandonné ! On se rend compte alors que notre moineau sans être un virtuose a tout de même un large répertoire de cris et d’appels divers certes guère mélodieux ! Quand le calme revient dans ces véritables gangs, les mâles s’affairent à la construction du nid souvent sur les mêmes sites que les années précédentes. Transport de plumes (merci le poulailler à proximité !), bout de laine ou de ficelle, brindille sèche et brin de paille tout est bon pour un logement dont la qualité esthétique n’est pas le premier de ces soucis. Tout est bourré dans un trou de murs, sous une toiture…ou un nichoir qui ne lui est pas destiné. Il est comique alors de voir le « gros moineau » (jusqu’à 35 grammes tout de même…) arrive en forçant à entrer dans un trou pour Mésange charbonnière (19 grammes). En villes ou villages où niche la Cigogne blanche on les voit souvent à la base des gros nids en branches profitant des interstices pour y loger leur nid. Voilà un emplacement idéal à l’abri de la prédation de l’Epervier. D’autres sont encore capables de tisser avec une certaine dextérité un véritable nid en boule d’herbes (à la manière des Tisserins africains dont ils sont proches parents). Ce type de nidification arboricole devait être la règle quand l’espèce n’était pas tributaire de la présence de l’Homme sédentaire et agriculteur. La majorité des œufs sera pondu fin avril, le moineau dans notre région faisant généralement que deux couvées. Mais sous ces airs de baroudeur, le Moineau domestique ne se porte pas vraiment bien dans notre monde moderne en tout cas. Il a bien profité de l’Homme jusqu’à un moment où son monde de vie lui est devenu défavorable (et peut être pas que pour lui…). Dans le sud-est de l’Angleterre et dans le Nord Pas de Calais entre 1994 et 2014 sa population a diminué de plus de 30% et de 64% en Europe surtout en Allemagne et en Europe centrale. L’espèce est placée maintenant sur la liste rouge des espèces menacées au Royaume Uni. L’intensification des pratiques agricoles, une alimentation pas assez riche en protéines notamment pour les poussins en ville, la pollution…Naturellement, la mortalité de cette espèce est déjà forte chez les adultes (de 35 à 55% par an) et 80% des jeunes disparaissent à moins d’un an. Cette hécatombe ne peut être compensée que par une forte fécondité. Et en plus ces dernières années la nature ne les aide pas ! Une étude sur 14 ans sur une commune de Hauts de France a montré que les « bonnes années à moineaux » comme 2019 sont celles au printemps chaud et sec. Les printemps froids et humides impactent fortement leur productivité en jeunes et augmentent la mortalité des femelles. Ce n’est pas étonnant pour un oiseau de milieu ouvert sec, à l’origine du sud-est du bassin méditerranéen, qui a suivi l’Homme agriculteur dans son expansion vers le nord-ouest produisant la déforestation qui s’en suit.
Les récentes sorties d’insectes ne font que le ravir. On se met à observer et à s’interroger sur ces étranges « mouches sombres » aux longues pattes arrière qui volent gauchement. Ce sont les mâles de Bibions (Bibio hortulanus) insecte diptère inoffensif qui se nourrit de pollen et fait le régal des oiseaux insectivores. Les premiers hannetons sont aussi de sortie. Devenus rares dans les zones agricoles intensives, la larve (le ver blanc) a passé trois ans sous la terre avant de se nymphoser.
Des cris incessants au fond du jardin indiquent que les premiers merlots ont quitté leur nid. Ils ne sont jamais perdus au milieu de la pelouse. Les deux parents Merles noirs en alerte bruyante montrent qu’ils sont bien là et continuent à les nourrir. Le mieux est de les percher alors en hauteur pour éviter la prédation du chat. De nombreux observateurs nous signalent de belles observations dans leur jardin. Ainsi Romane Sauleau dans le sud de l’Oise y a observé un couple de Bruant zizi. Cette espèce pourtant thermophile devient très rare dans la Somme. Des Rougequeues à front blanc reviennent aussi d’Afrique subsahélienne pour retrouver nos vergers et clairières boisées. Là aussi on est en présence d’un passereau en nette diminution en Picardie. Belles émergences d’émotions positives simples, si nécessaire en ces temps de bouleversements mondiaux.
P Caruette 26 avril 2020 crédit photo R Daugeron