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Les insectes de nos forêts

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En juillet, lors d’une journée ensoleillée c’est toujours l’occasion dans les forêts humides de nos vallées de croiser la route de superbes capricornes. L’aromie musquée (Aromia moschata) est certainement le plus joli dans notre région avec ses élytres (la carapace protégeant les fines ailes) aux reflets verts cuivrés. Il fréquente en priorité les saulaies. Son nom provient de la sécrétion à odeur de musc (due à la sève salicylique). Le mâle a de spectaculaires antennes dépassant les élytres, celle de la femelle sont plus courtes. Elle pond dans l’écorce des vieux saules. Les larves xylophages se développent sous l’écorce pendant 3 à 4 ans avant leur nymphose. Adultes, ils butineront sur les fleurs.

Le petit capricorne (Cerambyx scopolli) est aussi très spectaculaire avec ses antennes qui dépassent de son corps. On le rencontre sur tous les feuillus y compris les vergers. On voit souvent l’adulte butinant sur les ombellifères et les fleurs de sureau. On ne doit pas le confondre avec le grand capricorne du chêne (Cerambyx cerdo) qui fait 60 mm de long (pour 25 mm pour le petit). Ce géant, plutôt crépusculaire, est devenu bien rare dans le nord de la France, il est même protégé au niveau national malgré les « dégâts » qu’il peut effectuer sur les chênes isolés. La larve peut mesurer 8 cm au bout de 4 ans. Elle peut atteindre les parties les plus profondes du bois jusqu’au duramen des arbres jeunes avec ses puissantes mandibules.  Le lamie tisserand (Lamia textor) plus sombre et massif est plus commun dans les saulaies en cette période. Il se caractérise par un déplacement bien lent, volant peu bien qu’il soit ailé. On pourrait dire que sa « devise » est… doucement le matin et pas trop vite le soir. Il prend son temps même pour grignoter les jeunes pousses des rameaux de saule ! Vous pouvez ainsi facilement l’attraper (il est totalement inoffensif !) pour observer ses puissantes mandibules et « tester » la remarquable dureté de ses élytres. En l’approchant de votre oreille, vous entendrez qu’il émet de petits cris aigus, un des rares cas d’émissions vocales chez les insectes. La larve se développe aussi dans les saules et les peupliers trembles généralement morts.

Un « gros bourdon » qui ressemble vraiment à un colibri volète notamment à reculons au-dessus des fleurs à grandes corolles comme les delphiniums, les digitales mais aussi sur les lavandes. Trois paires de pattes, des antennes et une longue trompe de 2,5 centimètres… c’est bien un papillon et non un oiseau ! Le moro sphinx est en train d’aspirer le riche nectar sucré des fleurs sur ces « réservoirs profonds » inaccessibles aux autres insectes. Son vol stationnaire, avec des démarrages en marche arrière est un déplacement ultra efficace pour ce poids puce de 0,38 grammes ! En l’espace de 4 minutes, ce mini sphinx diurne peut ainsi « dévaliser » plus de 100 fleurs, soit 1600 fleurs à l’heure. Les paysans le dénommaient autrefois « mouche folle » !

En matière de mouche, justement c’est la période où on rencontre facilement la mouche scorpion (Panorpa communis). Ce n’est pas un scorpion, c’est juste un petit insecte mécoptère qui apprécie les milieux humides boisés. On la reconnaît facilement à ses longues ailes aplaties translucides maculées de petites taches noires. Le mâle possède un abdomen relevé ressemblant de manière surprenante au dard du scorpion. Il est néanmoins totalement inoffensif et ne sert qu’à maintenir la femelle durant l’accouplement. L’espèce est plutôt carnivore grâce à son rostre muni de pièces buccales qui ne sert pas à piquer mais à broyer. S’il capture surtout des mouches, il lui arrive aussi de consommer du nectar ou le miellat des pucerons. Le mâle fait souvent des offrandes pour séduire une femelle mais si une autre l’attire plus, il reprend son « cadeau », ou ce qu’il en reste, pour l’offrir à sa nouvelle conquête.

Dans les jardins ou en forêt, le pic épeiche apprécie la vie de famille ! Ce territorial invétéré va accompagner ses jeunes qui ont passé une bonne vingtaine de jours dans la loge dans un trou d’arbre. La famille va rester unie encore 1 à 2 semaines après l’envol des jeunes. C’est là que l’on peut voir poser sur la pelouse ou une branche les jeunes peu farouches à la calotte entièrement rouge réclamant la nourriture aux adultes, surtout au mâle qui semble bien le plus investi dans le nourrissage. Les juvéniles vont ensuite se disperser pour trouver un nouveau territoire libre. Les merles noirs nourrissent leur deuxième couvée. Les espèces les plus tardives comme le gobemouche gris ou la rousserolle effarvatte, finissent leur première couvée alors que les hirondelles rustiques entament leur deuxième. Dans les champs ce sont les jeunes corbeaux freux qui bien que volants (après avoir passé 5 semaines en haut des arbres dans la corbeautière), continuent à réclamer au sol la nourriture aux parents. Comme chez nombre de passereaux, pour avoir satisfaction, il faut se montrer convaincant et se faire entendre. Outre les cris incessants, la meilleure méthode est de se tenir face à l’adulte, de battre des ailes en pliant les pattes pour quémander. Et bien sûr, être « pot de colle » et persévérant comme tout bon ado !  Une fois autonomes, les jeunes freux se dispersent sur un territoire assez vaste autour de la colonie formant souvent des groupes à part des adultes. Si beaucoup de ces jeunes oiseaux sont sédentaires, une petite partie peut descendre en octobre vers le sud-ouest de la France voire en Espagne.

P Carruette 20 juillet 2020  crédit photo V. Caron