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Mars et ses giboulées

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Mars, le mois ventôse, des giboulées ou des éclaircies lumineuses.

 Le baromètre est toujours constant depuis février avec des températures bien supérieures à la normalité régionale. Arbres et arbustes découvrent bourgeons et feuilles tendres. Les fleurs des bois s’épanouissent. La première est sans nul doute la Tussilage ou pas d’âne dont la fleur jaune apparaît avant la feuille (d’où son surnom du « fils avant le père ») parente des pissenlits et pâquerettes. Son nom indique aussi qui « soulage la toux » pour son utilisation en tisane bienfaitrice. C’est bien en forêt, milieu fermé, que la vie active efface progressivement le silence de l’hiver. La promenade en forêt voilà une activité bénéfique dans un monde actuel si anxiogène. Le tambourinage des pics résonne comme une musique dans une cathédrale de troncs des hêtraies picardes. Qu’ils soient Epeiches, Epeichettes ou Noir, le martèlement d’un tronc ou d’une branche creuse est le moyen auditif de marquer le territoire pour des pics très jaloux de leur domaine. Et cela s’entend, véritable « tam tam » dans un monde végétal où il va être bientôt très difficile de se distinguer avec la pousse des feuilles. Le petit pic épeichette (la taille d’un gros pinson) a un domaine vital de plus de 10 hectares par couple, et le pic noir exploite un espace de 200 à 500 hectares par couple selon les ressources alimentaires et surtout la disponibilité de loges. En effet tous les pics ont besoin de bois morts pour à la fois trouver des insectes et leurs larves mais aussi creuser leur nid. Le Pic vert à l’inverse tambourine rarement, compensant par un puissant rire métallique (Kiakiakkiakiak). Ces « rires » entendus sont audibles dès le début de l’année et annoncent les préliminaires de la saison de reproduction. Les oiseaux se répondent à grande distance (plusieurs centaines de mètres) et on a l’impression que chaque oiseau souhaite attirer un partenaire potentiel sur son territoire. Ce peut être un mâle qui vient dans le territoire d’une femelle mais aussi l’inverse. Cette prise de contact souvent conflictuelle peut durer de février à avril, tant les oiseaux sont jaloux de leur propriété ! Tous les pics ont un outil remarquable, une longue langue terminée par deux crochets pouvant se saisir avec dextérité des larves grasses du bois mort. Collante, la langue permet aussi de saisir les fourmis dans les fourmilières. Les Sitelles torchepot sont aussi loquaces à cette période. Vives et remuantes, elles ont des allures de mini pic déambulant la tête en bas le long des troncs et des grosses branches. Son milieu favori reste la chênaie mais des graines de tournesol peuvent l’attirer en hiver dans les jardins.  L’écorce crevassée de ces arbres lui permet de coincer les grosses graines (jusqu’aux noisettes) pour en extraire l’amande. Elle ne creuse pas elle-même sa cavité de nidification cherchant les anciennes loges de pics ou les trous naturels. Si l’entrée est trop large elle va vite la maçonner (d’où son nom) avec de la boue pour la réduire à ses dimensions et comble la cavité avec des fragments d’écorce sur lesquels elle va déposer ses œufs.

Chez les mammifères, les brocards touchent du bois, c’est à dire que le velours commence à se détacher sur les animaux les plus âgés. Riches en vaisseaux sanguins, cette peau protectrice qui protège la pousse du bois, irrite le chevreuil qui frotte ses nouvelles armes sur les jeunes arbres meurtrissant leur écorce mise en lambeaux. A l’inverse chez les cerfs des forêts du sud de la Picardie, on se décoiffe. Les mâles perdent leur bois et deviennent « mulet ». L’image majestueuse du grand cerf arborant sa ramure est …quelque peu écornée ! Les grands mâles deviennent alors bien discrets alors que les biches regroupées en hardes finissent leur gestation. Mais cette perte des bois n’est comme toujours point perdue pour tout le monde. Rongeurs, écureuil ou blaireau vont ronger cette structure osseuse source de calcium et des sels minéraux, et le promeneur chanceux aura un souvenir, trophée de la vie sauvage.

Début mars c’est vraiment la dernière limite pour mettre en place des nichoirs à passereaux dans les arbres fruitiers de vos jardins.  Nichoirs cavernicoles pour les mésanges, sitelles, étourneaux ou semi-ouverts pour les Bergeronnettes grises, Gobemouche gris ou Rougegorge. Toujours les mettre à l’abri des chats, le trou ou l’espace d’envol vers le sud-est, à l’abri des vents dominants et ne rien mettre à l’intérieur, vos locataires s’en chargeront ! Un jardin de 1000 mètres carrés s’il est diversifié en strates végétales locales (arbres, arbustes, pelouses fleuries et potager) peut accueillir deux nichoirs à Mésanges bleues (28 mm de circonférence de trou d’envol) et un nichoir à Mésange charbonnière (32 à 34 mm de trou d’envol) et un ou deux nichoirs semi ouverts. Territoriaux, les couples se concurrencent entre individus de même espèce et non d’espèces différentes.  

Philippe Caruette  16 mars  2020  crédit photo S Bouilland