A vos mangeoires

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Un coup de froid, les premières vraies gelées, sont une bonne occasion d’offrir comme cadeau pour la fin de l’année… une mangeoire à passereaux. Choisissez-la (ou construisez-la) avec un toit qui protégera obligatoirement la nourriture des intempéries. Il faut éviter les mangeoires plateau où les oiseaux mettent « les pieds dans le plat » favorisant les risques de contamination de la nourriture par les fientes.

Disposez-la sur un piquet au centre du jardin près d’arbustes et si possible, visible de votre fenêtre de cuisine ou de séjour. Question approvisionnement, faites simple, très simple : les graines de tournesol conviennent à tous. Verdiers, pinsons des arbres, mésanges ou sitelle torchepot. La scène est disposée, vous n’avez plus qu’à vous mettre dans votre fauteuil et le film est toujours garanti de qualité. Au bout de quelques jours, les passereaux virevolteront.

Les mésanges charbonnières sont les plus nombreuses, chaque arrivée au poste de nourrissage déclenche un gonflement de plumes, ailes et queue écartées pour défendre sa place à table. Remarquez que chez cette espèce le mâle a une large cravate noire au milieu du ventre jaune, cravate plus fine chez la femelle. Les mésanges, au plumage identique chez les deux sexes, sont plus actives. Il est agréable de les voir coincer une graine entre leurs doigts grêles pour la décortiquer. Des morceaux de gras de bœuf crus et toujours non salés ou des boules de graisse permettront d’autres acrobaties au peuple des mésanges. Des conifères à proximité seront appréciés des mésanges huppées ou noires. Plus discrète, au plumage gris cendre, la mésange nonnette visite aussi la mangeoire, en couple. Si la mésange nonette est vraiment sédentaire, les autres peuvent venir de bien loin. Des mésanges bleues ont été contrôlées porteuses de bagues estoniennes ou lituaniennes au Parc du Marquenterre. Une mésange charbonnière baguée à Rue le 9 mars 2023 a été contrôlée le 3 avril 2023 dans le nord du Danemark à Thisted.

Pommes pourries ou poires flétries déposées au sol feront naître querelles et postures d’intimidation chez les merles et grives musiciennes, vite départagés par les étourneaux au « savoir vivre » plus limité.

La mangeoire est un véritable laboratoire comportemental (l’éthologie animale). Ainsi un verdier qui prend position dans la mangeoire ne cède la table à personne. Des cris d’alerte perçants, un silence total, l’épervier vient de passer une boule de plumes encore chaude entre les serres. Un de vos convives sera définitivement absent. C’est l’équilibre proie/prédateur qu’il faut accepter. Rassurez-vous, là où vous voyez 8 ou 10 mésanges à votre mangeoire, c’est souvent plus du double ou du triple qui est réellement présent. Grâce au baguage, on sait que même dans un jardin, de nouvelles mésanges arrivent ou repartent au gré des migrations, des déplacements alimentaires ou de la mortalité. Certaines seront là toute la saison d’hivernage, d’autres ne passeront que pour quelques instants.

Une mangeoire peut accueillir une vingtaine d’espèces différentes de passereaux. Des observations inattendues peuvent avoir lieu comme celle d’un pic épeiche suspendu aux cacahuètes fraîches que vous aurez pris soin d’enfiler en guirlande à un fil de fer. Une fauvette à tête noire peut être une candidate rare à hiverner alors que pinsons du Nord et mésanges noires nous viennent d’Europe du Nord. C’est aussi un indicateur des fluctuations des effectifs de passereaux, des phénomènes cycliques d’irruptions de certaines espèces comme les mésanges bleues. Ainsi cette année, les tarins des aulnes, un petit passereau jaune verdâtre originaire des forêts scandinaves, sont particulièrement nombreux. Tout comme le plus rare sizerin cabaret venant lui aussi du sud de la Scandinavie, d’Allemagne du Nord… La dernière invasion importante de cette espèce date de 2005.

Une mangeoire est d’autant plus attractive si vous avez un jardin riche en buissons, haies et arbres fruitiers. Elément important, ne garnissez les mangeoires que de novembre à février et jamais avec des aliments salés. Encore plus important, pensez régulièrement dans l’hiver à désinfecter à l’eau de Javel le plateau de nourrissage pour éviter le risque de parasitisme. Ne laissez jamais de la nourriture se décomposer ou moisir sur le site. Il faut changer l’eau de la coupelle tous les jours.

En cas mortalité sur le site, ou de  présence d’oiseaux affaiblis, au plumage gonflé et semblant mouillé, il faut désinfecter totalement les mangeoires et arrêter tout nourrissage. Les dernières années, des espèces comme le verdier ont été vraiment décimées par la trichomonose, un protozoaire mortel très virulent et contagieux favorisé par le regroupement des oiseaux à la mangeoire en Angleterre où il apparut en 2005, en Belgique et dans le nord de la France.

Ph. Carruette – 27 janvier 2024 – © Ivabalk