En novembre se produit un bien étrange phénomène dans le monde aquatique. Les Anguilles quittent définitivement le monde des eaux douces où elles ont fait toute leur croissance. Elles y ont passé 8 à 15 ans selon leur sexe et les individus. D’anguilles jaunes, elles se métamorphosent une dernière fois et acquièrent une pigmentation argentée, signe que la maturité sexuelle est toute proche. D’étranges modifications internes se produisent aussi. L’intestin se raccourci, la peau s’épaissit, les yeux semblent exorbités. Cette migration qui va se produite est d’autant plus longue que le poisson a pénétré loin des fleuves et étangs à l’intérieur des terres. Il va falloir tout d’abord gagner l’embouchure du fleuve pour voir la mer ! Le « poisson serpent » se tortille dans les fossés humides, voir sur l’herbe, sort des étangs pour gagner un cours d’eau. Un véritable exploit dans bien des cas pour un parcours plus que semé d’embûches. Un seul et unique but gagner l’estuaire et le mer source de leur vie et de leur mort à venir. La vie mouvementée des anguilles adultes va s’achever au beau milieu de l’océan Atlantique dans la mer des Sargasses sous les Bermudes. Mystérieux voyage, migration catadrome (vers la mer) qui est connue que depuis peu. Jusqu’au début du 20ème siècle on ignorait tout de « cet étrange bête sans commencement ni fin » comme disait Aristote. Point d’œufs ni d’alevins on évoque même des générations spontanées. Il fallut attendre 1920 qu’un naturaliste danois Johannes Schmidt découvre une part du mystère. Les anguilles des côtes de l’Europe et d’Amérique du nord pondent et meurent dans la mer des Sargasses. Les larves, transparentes, en forme de feuille de saule entraînées par la dérive nord Atlantique retourneront vers les côtes européennes en deux ou trois ans. Les jeunes anguilles se développent en eau douce pour devenir anguille argentée qu’une nuit noire saura emporter un jour par-delà l’océan….Un cycle immuable bien fragile de nos jours.
P Carruette 24 novembre 2024 Crédit photo Penabar
