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Les oiseaux de nuit

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Début décembre la nature semble vivre au ralenti. Les dernières feuilles font de la résistance s’accrochant tout autant à leur support qu’à la douceur ambiante. Les pluies revenues sont dans la logique saisonnière. De quoi partir se coucher pour attendre du renouveau. C’est ce que font nombre d’espèces qui souvent se réunissent en dortoir. Mais qu’est-ce qu’un dortoir ?

A la tombée de la nuit, les oiseaux adoptent différentes stratégies selon les espèces. Certaines deviennent actives après le repos diurne. Les plus connus sont les rapaces nocturnes comme les chouettes et les hiboux qui voient leur temps de chasse augmenter. Cela tombe bien, les proies sont plus rares sur leur territoire. Les rapaces voient parfaitement en plein jour mais les rongeurs sont moins actifs et les passereaux ont tendance à les harceler. Le hibou des marais et la chouette chevêche chassent d’ailleurs régulièrement en plein jour.

Bécasses et canards attendent la tombée de la nuit pour rejoindre leur zone de gagnage. Certains « couche-tôt » dorment seuls sur une branche, dans un trou ou une excavation discrète protectrice comme les pics ou certains passereaux. Mais de nombreuses espèces choisissent pour des raisons de sécurité et sociales de dormir en groupe sur un lieu bien défini : le dortoir. Ainsi les busards Saint-Martin, chasseurs solitaires des espaces ouverts, vont dormir ensemble au sol dans un champ de choux, de luzerne ou une friche. Les bruants des roseaux optent pour les roselières, alors que les moineaux se retrouvent dans un thuya, un massif de bambous ou un gros buisson. Ces dortoirs ont tout de même un inconvénient : ils ne passent guère inaperçus. Pour y palier, les oiseaux arrivent vite, juste avant la tombée de la nuit. Alors que la nuit enveloppe le jour, les cris des candidats au sommeil sont pourtant toujours nombreux. Chacun veut trouver sa place et si possible au cœur du dortoir là où la chaleur est la plus condensée et le risque moindre.  Les dortoirs de pinsons du Nord ou d’étourneaux peuvent compter plusieurs millions de locataires ! Les prédateurs repèrent vite ce « tapage crépusculaire ». L’épervier et les rapaces nocturnes exploitent ce filon alimentaire. En ville, le faucon pèlerin chasse même quasiment de nuit profitant des lumières urbaines.

Le dortoir est aussi un lieu d’apprentissage, de contacts sociaux, de transmissions d’informations. Avantage, au lever du jour, quand les oiseaux quittent le dortoir pour aller se nourrir les moins expérimentés suivent les plus âgés qui savent où se diriger pour trouver rapidement des ressources alimentaires. Grâce au marquage couleur de certains oiseaux, on sait que chaque oiseau est quasi fidèle à son exact emplacement chaque soir… qu’il va défendre contre tout concurrent. Aigrettes garzettes, grandes aigrettes ou hérons garde-boeufs dorment ensemble au sommet des pins ou de grands feuillus. Les cigognes blanches vont chercher aussi de grands arbres isolés au un grand îlot au sol non accessible aux prédateurs terrestres. Renards ou sangliers passent souvent sous les dortoirs, histoire de profiter de l’aubaine d’un cadavre ou de restes de nourriture régurgités lors d’un stress. Selon les conditions météorologiques, l’heure du coucher du soleil, les oiseaux arrivent plus ou moins tôt. Les arrivées au lieu de repos se font seul, en groupe, en couple, chacun en fonction de ses « affinités » du jour et de la distance au lieu où il s’est nourri, parfois à plus de 10 kilomètres de là.